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Pour que les méthodes restent des outils

Ou le syndrome de l’aveuglement de l’expert


L’apport du déploiement de méthodes au sein des organisations pour améliorer leur performance est largement partagé et pratiqué depuis plusieurs décennies. Pourtant, il y a toujours certaines personnes qui se manifestent pour rappeler l’échec de telle ou telle démarche. Plutôt que de couvrir ce bruit de fond avec le voile pudique de la résistance naturelle au changement, il faut les écouter et essayer de comprendre.

En effet, la réalité, au-delà de la vision théorique, est que de nombreux déploiements de méthodologies se sont soldés par des échecs, alors même que des retours d’expérience avaient démontré, dans d’autres environnements, leur pertinence et leur efficacité.

On peut se lancer alors dans la critique de telle ou telle méthode, mais d’évidence, si cela peut fonctionner dans certains contextes, il n’y a pas de raisons objectives de remettre en cause des démarches considérées comme « des références de bonnes pratiques » et ayant fait l’objet de nombreuses mises en œuvre. Il faut  peut-être porter son regard sur ceux qui portent la méthode au sein de l’entreprise, que ce soit le management, les équipes en charge de son déploiement ou les supports externes (comme les consultants).

On peut, comme l’illustre le diagramme, considérer trois cas de figures. Le premier concerne le cas d’une insuffisance de maîtrise de la méthode, que l’on qualifiera plus directement de « zone d’incompétence ». L’accès de plus en plus facile à l’information (hier par le livre, aujourd’hui avec encore moins d’effort par internet), permet de collecter rapidement quelques éléments clés, permettant d’appréhender les points clés, une partie des concepts et éventuellement le vocabulaire associé à une méthodologie. Il n’en reste pas moins que l’information ne remplace pas la connaissance, qui ne peut s’acquérir que par l’enseignement par un « maître » sur le sujet d’une part, et l’expérience d’autre part, les deux étant souhaitables. Mais cela n’est possible qu’avec du temps, et l’impatience de notre économie nous pousse à la faute… Inutile de commenter le fait que dans ce cas de figure, la méthode déployée avec incompétence va certainement perturber le fonctionnement de l’organisation et pénaliser sa performance.

Au contraire, un porteur de méthode, qui maîtrise son art, qui peut s’appuyer sur son expérience et éventuellement ses erreurs passées, va permettre d’accompagner avec bon sens l’organisation (i.e. les femmes et les hommes qui la composent) vers de nouvelles façons de travailler, qui libèrent des champs de performance.

Mais un autre écueil que l’incompétence guette alors, c’est l’aveuglement de l’expert de la méthode. Cela se traduit par un usage exagéré de l’outil méthodologique, jusqu’à l’oubli des objectifs qui ont amené à l’adopter. L’objectif est alors remplacé par la méthode. Les équipes trouvent refuge dans le cadre rassurant, le guide que constituent la méthode et les outils, avec l’espérance que le respect de la démarche seul permet l’atteinte des objectifs. Ce mode de fonctionnement est une zone de confort au regard de la zone de « bon sens »  qui suppose le changement des modes de fonctionnement.

Ceci étant exposé, comment détecter les dérives ?

Cela se traduit assez simplement, et ce, indépendamment de la méthode. Prenons trois exemples : une démarche qualité ISO faisant l’objet d’un audit externe périodique, le déploiement d’une démarche Lean-Six-Sigma et la mise en œuvre d’un modèle économique ABC. Que penser d’un plan qualité, qui fait l’objet d’une documentation généreuse, maintenue à l’écart des opérationnels et abordant les points qui ne feront pas aller l’auditeur sur les sujets où l’organisation a des progrès à faire ? N’est-il pas surprenant lorsque l’on interroge l’équipe d’un projet d’amélioration Lean-Six-Sigma sur l’atteinte de ses objectifs, quand la réponse est « l’ensemble des livrables de la « tollgate » ont été livrés ? Enfin, comment réagir, quand à l’issue d’un projet de modèle économique utilisant l’approche d’Activity Based Costing, le modèle comporte un nombre incalculable d’activités et que des déversements étourdissants font la fierté du contrôle de gestion et rendent le modèle incompréhensible pour les opérationnels pour qui il était initialement destiné ? Gardons donc en tête que le progrès s’appuie plus sur des outils et de l’expérience que des croyances méthodologiques.

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