Maturité d’une organisation achats,
Le métier des achats est un métier jeune dans l’entreprise. Il s’est structuré tardivement dans les organisations. Jusqu’aux premières crises économiques de l’après-guerre, l’acte d’achat se réduit à l’acte d’approvisionnement. A la fin des années 80, un coup d’accélérateur est donné à la profession, des filières de formation de haut niveau se structurent et « la Direction des Achats » se rapproche des organes de décision des entreprises, au plus haut niveau.
Aujourd’hui, la photographie de la maturité d’une organisation achats reflète cette histoire :
On peut synthétiser ce diagramme autour de 5 niveaux de maturité :
Le premier niveau se résume à assurer l’acte d’approvisionnement, dans sa dimension administrative et logistique. Il faut noter que cette partie de chaîne de valeur ne doit pas être négligée. Elle est au cœur de la performance opérationnelle de l’achat. Un Directeur des Achats faisait régulièrement appel à la citation suivante : « l’avenir des achats, c’est l’approvisionnement ! ».
Le second niveau est celui dans lequel se trouvent de fait de nombreuses organisations : la fonction achats assure, dans le processus qui va de l’identification d’un besoin à l’acte d’achat, les dernières étapes de négociations commerciales. Il faut comprendre que sortir de cette situation ne peut être le seul fait des équipes achats. Cela suppose une reconnaissance de fait des métiers pour pouvoir toucher les niveaux supérieurs.
Le troisième niveau nécessite en effet de dépasser la dimension purement commerciale, et de rentrer « techniquement » ou d’un point de vue « métier » dans le produit ou la prestation achetée. Cela suppose la complicité des prescripteurs et un investissement fort des équipes achats pour monter en compétence. C’est pourtant le niveau pour lequel l’accroissement de performance est le plus important.
Le quatrième niveau est encore plus intrusif dans les métiers, puisqu’il consiste à maîtriser chez eux, les volumes de dépenses !
Enfin, le niveau ultime, consiste à apporter factuellement de la création de valeur business, notamment en s’appuyant sur les fournisseurs pour contribuer à l’innovation.
« Category Management », de quoi parle-t-on ?
Un programme de « Category Management » est une démarche globale de la Direction des Achats qui s’appuie sur l’alignement de ses moyens, de ses actions et de sa gouvernance sur la structuration des différentes catégories achats (désignées aussi « familles » ou « segments », selon les cas). Ainsi, pour chaque catégorie achats désigne-t-on un responsable, qui répond de :
La responsabilité pour l’ensemble de la catégorie (au-delà de son propre champ d’intervention)
L’atteinte des objectifs sur la catégorie
La proposition, la planification et le suivi des plans d’actions sur la catégorie
La production du reporting
La gestion (même matricielle) des ressources sur la catégorie
La communication et la liaison avec les métiers prescripteurs
L’alignement avec la stratégie globale de l’entreprise
Un « Category Manager » doit ainsi couvrir un champ large de compétences, qui vont des basiques des achats à la maîtrise du management en passant par les structures de coûts, les besoins et contraintes business …
Le déploiement d’un programme de « Category Management » doit suivre des étapes structurées, qui doivent être déroulées pour chaque « Category » :
1. La phase de cadrage : le périmètre de la catégorie doit être formellement défini. Un sponsor doit être identifié. L’équipe doit être constituée et un planning de déploiement doit être construit, validé et communiqué.
2. La phase d’analyse : un travail important de consolidation des données doit être entrepris, en validant que l’ensemble du périmètre est bien couvert. Il faut ensuite collecter les données concernant le marché fournisseurs, les éléments clés de compréhension des inducteurs de coûts sur la catégorie et la structure des différentes natures d’offres.
3. La phase de construction de la stratégie achat : sur le périmètre de la catégorie concernée, la stratégie achats peut être construite sur la base des éléments de l’analyse. On y trouve la liste des plans d’actions, avec pour chacun d’eux, la masse accessible, les leviers actionnables, les gains attendus, le planning, les risques et les porteurs.
4. La phase de déploiement : le déploiement consiste à mettre en œuvre le contenu construit dans la stratégie achats. On y retrouve toutes les étapes des démarches achats, à adapter en fonction de la nature des leviers.
5. La phase de progrès continu : on entre dans cette phase dès lors que l’on sort du mode « programme ». On doit en fait, de façon continue et itérative, dérouler les étapes 2 à 4 dans une logique d’adaptation aux évolutions de l’écosystème de la catégorie (évolutions marché fournisseur, évolution solutions sur le marché, évolution besoins prescripteurs, évolution de la stratégie de l’entreprise). La classique « roue de Deming » s’applique alors pour piloter l’activité.
« Category Management », un tremplin pour améliorer sa maturité achats
A la lumière de la définition du « Category Management », on comprend que ce n’est pas un levier de « performance achats » en soi, mais un tremplin pour actionner des leviers plus puissants. Ainsi, la mise en œuvre d’un Système d’Information Achats nécessite d’avoir réalisé un travail pertinent sur la segmentation des achats. De même, construire une Stratégie Achats ou mener des actions de Marketing Achats, nécessite une base référentielle pertinente.
Mais avant tout, c’est du côté des équipes qu’il faut porter son regard. Une approche de « Category Management » est avant tout un levier de montée en compétence des équipes, en leur permettant d’investir sur leur terrain de jeux, de sortir de la pression du quotidien et de s’obliger à réfléchir globalement sur une catégorie, et non pas commande par commande. C’est aussi la possiblité d’une relation avec les fournisseurs qui dépasse le traitement des demandes courantes. Progressivement, l’acheteur va pouvoir mieux connaître ses fournisseurs, leurs contraintes, leurs atouts, et donc leur structure de coûts. C’est la condition pour initier des démarches de type « Target Costing » ou mieux, de « Design to Cost ». Enfin, c’est l’opportunité, en capitalisant sur une catégorie, de gagner la confiance des métiers prescripteurs et d’être associé en amont des choix, voire des réflexions.
La marche ultime de création de valeur par les achats, donc par les fournisseurs, devient alors accessible. Et l’on peut alors, comme je le propose depuis des années, rebaptiser la « Direction des Achats » en « Direction des Ressources Externes »…
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