Par Karim Faidi, Directeur Associé Cost House MEA
Nous sommes régulièrement sollicités par nos clients pour "auditer" ou diagnostiquer leur dispositif de comptabilité analytique ou de costing.
Un tel diagnostic peut avoir plusieurs objets :
Etat des lieux et cadrage du projet de mise en place du Costing ;
Remédier aux douleurs rencontrées avec le dispositif actuel ;
S'inscrire dans un dispositif d'amélioration continu ;
"Certifier" la fiabilité des résultats pour le management ou les clients internes ;
Documenter le dispositif de facturation et de prix de transfert pour prévenir les risques fiscaux ;
Accompagner la Direction de l’Audit Interne ou l’Inspection Générale dans leurs diligences ;
Etc…
En capitalisant sur plusieurs centaines de mise en œuvre opérationnelles réussies dans différents pays et contextes (Industrie, Banque, Assurance et Protection sociale, IT, etc…) les équipes de Cost House ont développé une grille de maturité permettant de positionner son dispositif de pilotage analytique par rapport aux bonnes pratiques :
Les principaux constats relevés dans le cadre de nos missions de diagnostic du dispositif de pilotage analytique se rapportent aux 5 points suivants :
Le choix de la méthode ;
Les processus ;
L’outillage du dispositif et l’industrialisation de la collecte des données;
L’adoption par les équipes;
L’exploitation des résultats.
Le choix de la méthode
Dans un article intitulé : Costing, Modèle Economique, Comptabilité analytique : objectifs et méthodes, nous avions détaillé les différentes méthodes de comptabilité analytique, leurs avantages, inconvénients, niveau de déploiement, secteur d’activité,…
Cette analyse, montre qu’à ce jour, le meilleur compromis reste la démarche Activity Based Costing (ABC). La bonne application de ses préceptes permet en effet de gommer les inconvénients des autres méthodes et de répondre aux enjeux de performance économique :
Lien avec la comptabilité générale;
Traçabilité, piste d’audit et lien de causalité;
Indépendance par rapport aux schémas d’organisation;
Pertinence dans la ventilation des « Indirects »;
Possibilité de démultiplier les étapes de réallocation et les axes analytiques (objets de coûts);
Capacité de faire des simulations économiques;
Maturité du marché des logiciels natifs ABC.
Si l'on pousse la réflexion un peu plus loin, on se rend compte que finalement les différentes méthodes de Costing peuvent être « complémentaires » et co-exister au sein d’une entreprise, afin de répondre à différents enjeux et besoins.
La souplesse et la robustesse des modèles ABC viennent conforter notre conviction d’en faire le socle de base du dispositif analytique, et d’utiliser ses fonctionnalités avancées de simulation économique afin de calculer des coûts standards ou mener des analyses de type imputation rationnelle ou Direct Costing.
Les processus
Dans leur volonté d’être le plus fin et précis, certaines entreprises construisent des modèles analytiques extrêmement complexes :
Un nombre incalculable d’activités ;
Des déversements multiples ;
Des prestations croisées sans apport significatif ;
….
Ces pratiques rendent le modèle incompréhensible pour les opérationnels pour qui il est initialement destiné et rend la valorisation périodique chronophage. Un modèle de costing nécessite d’être simple afin d’être souple, lisible et intégré progressivement avec de nouveaux périmètres. Les bonnes pratiques pour réduire la complexité des modèles analytiques peuvent être résumées comme suit :
Distinguer clairement les activités et les services ;
Rationaliser les modèles d’activités existants ;
Utiliser les référentiels standards (CIGREF pour les activités IT, DFCG pour les fonctions supports, …) ;
Découpler les activités de l’organisation ;
Eviter les réallocations entre activités ;
Simplifier les étapes de réallocation le cas échéant.
L’outillage du dispositif et l’industrialisation de la collecte des données
Pour en tirer le meilleur profit, le modèle de costing doit d’être outillé et la collecte des données industrialisée.
Certaines entreprises font le choix d’intégrer la comptabilité analytique dans la comptabilité générale, transformant ainsi les comptables en « agents de saisie » et déviant l’objet initial de la comptabilité générale.
Au-delà de la complexité, ce choix ne permet pas de bénéficier des fonctionnalités avancées des outils de costing : multiplicité des steps de réallocation, croisement des axes analytiques, souplesse d’évolution, possibilité de réaliser des simulations,.... En définitive, ce choix est souvent plus coûteux que le choix d’un outil de Costing natif, sans les avantages associés.
Le marché des solutions de Costing offre aujourd’hui un large panel de solutions. Les principaux points à challenger sont la couverture fonctionnelle, la complexité de mise en œuvre, la dépendance à l’intégrateur et le TCO bien évidemment. Nous recommandons notamment à nos clients, de passer systématiquement par la phase POC (Proof Of Concept) afin de tester les principales fonctionnalités des outils et leur adaptation au contexte de l’entreprise. Certains outils, pourtant natifs, ne permettent pas de valoriser le coût complet des activités, ont des performances insuffisantes (temps de calcul important) et induisent une dépendance importante à l’intégrateur à chaque souhait d’évolution du modèle.
Au-delà de l’outillage, industrialiser la collecte des données financières et des volumes techniques nécessaires à la valorisation du modèle est un enjeu majeur lors de la mise en place d’un modèle analytique. En plus de la fiabilisation des référentiels, des données source, etc, … l’outillage de la collecte des données permet de gagner en efficacité et productivité. Plusieurs solutions sont envisageables :
Une solution tactique avec l’utilisation des espaces bureautiques partagés ;
Une solution intermédiaire consiste à se doter d’un outil de collecte des données ;
Une solution cible avec les outils de planification budgétaire.
Enfin, il est important de définir le « Target Operating Model » du costing et assurer la conduite du changement auprès des équipes.
L’adoption par les équipes
Un modèle de comptabilité analytique est un projet d’entreprise, certes piloté par le Contrôle de gestion et/ou la Finance, mais doit mobiliser l’ensemble des directions de l’entreprise. Il convient notamment d’associer les équipes opérationnelles dans la définition du modèle d’activités, des inducteurs techniques, des unités d’œuvre, etc…
Au-delà de la pertinence des résultats induite par l’association des équipes opérationnelles, un travail collaboratif va faciliter l’adoption des résultats et du modèle par les différentes entités de l’entreprise. Il convient ainsi de définir des axes d’analyse à intégrer au modèle et de structurer le reporting pour les différents publics.
L’exploitation des résultats
Un modèle de costing est un outil puissant de pilotage de la performance de l’entreprise :
Pilotage par la marge de différents objets de coûts (Produits, Clients ; Réseau, Canaux ; …)
Facturation et pricing ;
Construction budgétaire ;
Calcul du TCO pour les besoins Achats et Busines Case ;
Benchmark et identification de chantiers de compétitivité ;
Réflexions Make or Buy
Outil de pilotage et de suivi des gains des chantiers d’excellence opérationnelle ;
Enrichissement des tableaux de bord ;
Simulations économiques ;
….
Malheureusement, au sein de beaucoup d’entreprises, le costing est utilisé uniquement pour des besoins réglementaires (facturation, IFRS 17,..) ou pour le pilotage par la marge des produits. Au-delà des apports mentionnés plus haut, nous recommandons à nos clients de raisonner « use case » et d’avoir un outillage souple qui permet d’instruire ces « use case » en autonomie.
En conclusion, la mise en place d’un modèle de Costing est un processus itératif. Réaliser un diagnostic ou un audit permet de formaliser une feuille de route de montée en maturité du dispositif.
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