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D’un “modèle économique” à un “modèle écologique ABCO2”

Par Joachim Treyer Responsable du domaine Systèmes d'Information.


Article tiré de l’ouvrage “Modèle économique de la DSI – Les clés de la performance”, éditions Hermès


La mise en œuvre d’un modèle économique selon une approche Activity Based Costing permet de piloter et d’améliorer la performance économique globale de l’entreprise. Si l’importance de la performance économique des entreprises ne fait pas débat, il est un autre sujet qui tend à s’imposer aujourd’hui à la fois à la propre initiative des entreprises et sous l’impulsion des autorités gouvernementales et de l’opinion publique : la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

La RSE peut être considérée comme l’application des principes de développement durable au monde de l’entreprise qui se doit ainsi de contribuer à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement.

Comme le souligne le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, le développement de la RSE rend nécessaire d’améliorer l’information non financière produite par les entreprises. C’est notamment l’objet de l’article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE). Les entreprises se doivent ainsi de mesurer l’impact de leur activité sur l’environnement.

Diverses initiatives tendent à standardiser ou normaliser la rédaction de rapports environnementaux et sociaux. En ce qui concerne le volet environnemental de la RSE, des normes telles que celles de la famille ISO 14000, et la norme ISO 14001 en particulier, sont consacrées à l’application d’un système de management environnemental dans l’entreprise.

Pour clarifier le lien entre un modèle économique ABC et un « modèle écologique » qui en serait dérivé, il est nécessaire de présenter au préalable la notion de « comptabilité carbone », sachant que le carbone ne constitue que l’un des multiples indicateurs « écologiques » au même titre que qualité de l’air, qualité de l’eau, biodiversité, qualité des sols, GES à 10, 20, 50 ans,…



Positionnement de la comptabilité carbone


L’impact de l’activité d’une entreprise sur l’environnement se traduit notamment par l’émission directe ou indirecte de gaz à effet de serre. Une entreprise se doit donc de connaître, avant de le maîtriser, son impact environnemental en termes d’émission de gaz à effet de serre.

Au niveau international, la norme ISO 14064 , issue des travaux du GHG Protocol , propose une méthodologie permettant d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre. En France, l’ADEME propose la méthode du « Bilan Carbone »  pour une telle évaluation.

L’objet de cet article n’est pas d’entrer dans le détail des méthodologies de mesure des gaz à effet de serre, sujet largement couvert par de nombreuses publications. Il est cependant utile de rappeler quelques principes de base de l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre.


Les postes d’émission


L’évaluation de l’émission de gaz à effet de serre d’une entreprise ou d’une entité au sein d’une entreprise passe par l’analyse de l’ensemble des postes d’émission relatifs à l’entreprise ou l’entité concernée. Les postes d’émission analysés varient selon le périmètre retenu pour l’évaluation. L’ADEME comme le GHG Protocol distinguent trois périmètres qui concernent respectivement les émissions directes, indirectes et globales.

Chaque poste d’émission peut être évalué en multipliant une unité d’œuvre relative au poste d’émission (volume d’activité) par un facteur d’émission : le résultat donne une évaluation de l’émission de gaz à effet de serre pour le poste concerné.

Il est important de noter que l’unité d’œuvre comme le facteur d’émission sont entachés d’un niveau d’incertitude qui se répercute au niveau du calcul de l’émission pour le poste concerné.


Une unité commune, l’équivalent CO2


Pour pouvoir consolider les émissions relatives à différents gaz à effet de serre, une unité commune a été choisie : « l’équivalent CO2 » qui peut se mesurer en Kg ou en tonnes.

A chaque gaz à effet de serre est ainsi associé un coefficient qui permet de ramener son impact à l’unité commune « tonne d’équivalent CO2 ». Ce coefficient, dénommé PRG (Potentiel de Réchauffement Global), mesure l’effet d’un gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique par rapport à celui du CO2.

On peut ainsi mesurer l’émission d’un gaz à effet de serre en « tonne d’équivalent CO2 » en multipliant la quantité de gaz à effet de serre émis par son PRG.


Le principe de la comptabilité carbone


Le principe d’une comptabilité carbone consiste donc, quelle que soit la méthodologie retenue (bilan carbone ADEME, ISO 14064,..), à faire un « inventaire gaz à effet de serre » en analysant tous les postes d’émission d’une entreprise ou d’une entité au sein d’une entreprise pour arriver à une émission consolidée mesurée en « tonnes équivalent carbone ».

Dans son principe, une comptabilité carbone est proche d’une comptabilité générale au sens classique du terme dans la mesure où elle analyse les postes d’émission par « natures ». L’ADEME propose ainsi un guide des facteurs d’émission  classifiés selon les natures suivantes :

  • Energie,

  • Transports,

  • Matériaux entrants,

  • Services tertiaires,

  • Déchets.

En outre, dans son guide des facteurs d’émission, l’ADEME pousse plus avant l’analogie avec la comptabilité générale en considérant que les émissions liées aux biens immobilisés sont comptabilisées avec le même principe d’amortissement que celui employé en comptabilité générale. Les émissions sont affectées aux immobilisations selon un principe d’amortissement linéaire s’appuyant sur la même durée que l’amortissement comptable classique.

Pour être plus cohérent, on devrait d’ailleurs parler de « compte de résultat » carbone plutôt que de « bilan carbone ».


Une analogie en termes de métier et d’outillage


Comme nous venons de le voir, la comptabilité carbone s’apparente à la comptabilité financière classique. L’analogie se poursuit, en outre, au niveau des métiers et des outils. Les méthodes de comptabilisation carbone en cours de standardisation doivent, de plus en plus, s’appuyer sur des outils, l’approche « tableur » devenant clairement insuffisante. On voit ainsi se développer des offres logicielles de support à la comptabilité carbone, comme celle de la société Verteego, qui se définissent comme les « ERP carbone » au même titre qu’il existe des « ERP finance ».

De même, les bureaux d’études qui se positionnent sur la réalisation de bilans carbone peuvent naturellement être qualifiés « d’experts comptables carbone ».

Il apparaît donc clairement que l’évolution des entreprises en matière de RSE et, plus particulièrement en termes de mesure et maîtrise de l’impact environnemental, conduit à une structuration accélérée des normes, méthodologies, outils et métiers liés à ce que nous appelons la « comptabilité carbone ».



Principe d’un modèle « ABCO2 »


Comme le souligne l’ADEME, l’intérêt d’un bilan carbone ou d’un bilan gaz à effet de serre, au-delà d’une évaluation des émissions, consiste à pouvoir lancer un plan d’actions de réduction de ces émissions.

Les données issues d’un bilan carbone permettent naturellement de lancer de telles actions de réduction d’émission. Cependant, comme nous l’avons souligné ci-dessus, un bilan carbone s’apparente à une comptabilité générale par « nature ». Une analyse des émissions issue d’un bilan carbone présente ainsi les mêmes intérêts mais aussi les mêmes inconvénients qu’une analyse des coûts issue de la comptabilité générale.

En effet, une analyse des postes de charge par nature, en comptabilité générale, permet de lancer principalement des actions « achats » pour réduire les dépenses. Une analyse des postes d’émission en comptabilité carbone permet de même de lancer des actions de réduction déclinées par natures d’émission.

Un modèle économique ABC permet de disposer d’une vision des coûts par activité et par service fourni. Seule une telle vision permet effectivement de déclencher des actions complémentaires aux actions de type « achat ».

Il en va de même, à notre sens, des actions relatives aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Au-delà des actions qui peuvent être entreprises à l’issue d’un bilan carbone, il est nécessaire de connaître comment les émissions de gaz à effet de serre se répartissent selon les activités et les produits ou services délivrés. Une telle analyse permet alors de lancer des chantiers d’amélioration pour, par exemple, rationaliser certaines activités ou certains services.

Il apparaît ainsi clairement que s’il y a un parallèle entre la comptabilité générale et la comptabilité carbone, il y a un intérêt évident à dériver un  modèle écologique « ABCO2 » d’un modèle économique ABC.

Nous sommes ainsi persuadés qu’au-delà des premières expérimentations qui ont été lancées, l’application d’une méthode ABC et du modèle associé à l’unité « CO2 » – ce que nous appelons « ABCO2 » – va se généraliser dans les années à venir.



Transposition d’un modèle économique vers un modèle écologique


La mise en œuvre d’un « modèle ABC carbone » permettant de connaître les émissions de gaz à effet de serre ventilées par activités et surtout par services est particulièrement pertinente dans les univers où la part d’émissions indirectes est importante.

L’articulation entre les « étages » ressources, activités et services d’un modèle économique ABC se transpose naturellement à un modèle ABC carbone.

En effet, cette articulation se traduit par le fait que la mise à disposition d’un service consomme des activités qui, elles-mêmes, consomment des ressources. Cette notion de « consommation » s’applique aussi bien à des euros qu’à des «tonnes équivalent CO2».

Il en résulte que les travaux de mise en œuvre d’un modèle économique pour une DSI, par exemple, peuvent être facilement étendus pour en dériver un modèle écologique ABC de la DSI. En particulier, tous les mécanismes de ventilation des ressources sur les activités et surtout des activités sur les services via des inducteurs techniques restent valables dans une approche « carbone » , comme l’illustre le schéma ci-dessous.

Transposition modèle économique en modèle écologique

La principale problématique pour la mise en œuvre d’un modèle écologique ABC de la DSI réside dans l’analyse des ressources en unités « CO2 » en lieu et place de l’unité «€».



L’analyse des ressources en tant que facteurs d’émission


Si la structure et les mécanismes de ventilation du modèle économique de la DSI peuvent être transposés assez directement à un modèle écologique ABC, il est en revanche, plus complexe de convertir l’ensemble des ressources alimentant le modèle économique d’euros en émissions de « tonnes d’équivalent CO2 ».

Comme nous l’avons explicité ci-dessus, la typologie des ressources alimentant un modèle économique de la DSI, dans une vue « Compte de Résultats », est cohérente avec l’analyse des facteurs d’émission telle que proposée par l’ADEME, notamment en ce qui concerne les amortissements.

L’approche de transposition consiste donc à analyser chaque ressource du modèle économique sous l’angle du facteur d’émission de gaz à effet de serre associé. Cette analyse peut être plus ou moins lourde selon le niveau de précision et d’incertitude que l’on souhaite atteindre.

En effet, en première approche, les différentes natures de ressources peuvent être traitées de la façon suivante :

Personnel : des méthodes existent pour évaluer le facteur d’émission des personnels. Ces méthodes peuvent être appliquées directement aux ressources humaines de la DSI.Matériels : les déclinaisons disponibles en termes de facteurs d’émission par type de matériel informatique sont assez pauvres et ne sont pas cohérentes avec les types technologiques employés au niveau du « modèle d’analyse et de benchmarking des coûts informatiques » du CIGREF. Des travaux pilotes ont, de ce fait, été lancés début 2010 pour affiner les facteurs d’émission pour certains types de matériel, de façon à permettre une utilisation pertinente du modèle économique de la DSI dans le cadre d’une transposition à un modèle écologique.Logiciels : les logiciels peuvent être considérés, et pour cause, comme des « services faiblement matériels » pour lesquels un facteur d’émission est calculé en fonction de leur coût d’acquisition.Télécom : la même logique que pour les logiciels s’applique.Prestations externes : selon le type de prestations, une approche similaire à celle appliquée au personnel interne ou à celle appliquée aux « services faiblement matériels » peut être appliquée.

Comme le montre l’énumération précédente, l’analyse des ressources de la DSI sous l’angle des facteurs d’émissions nécessite des travaux spécifiques pour dépasser les données « simplifiées » disponibles dans les bases classiques de facteurs d’émission.

De tels travaux doivent être menés avec des experts et des outils appropriés de façon à adapter l’analyse des facteurs d’émission à la typologie de ressources utilisées dans le cadre d’une DSI, mais aussi de façon à évaluer correctement, si ce n’est réduire, les facteurs d’incertitude associés qui, par défaut, sont relativement élevés.



Intérêt d’un modèle écologique ABCO2 de la DSI


La transposition d’un modèle économique ABC de la DSI en modèle écologique ABC présente deux intérêts majeurs :

Un tel modèle écologique « ABCO2 » permet de lancer des chantiers d’amélioration allant au-delà des actions permises directement par un « bilan carbone » ou un « inventaire gaz à effet de serre ».Par ailleurs, au même titre qu’un modèle économique de la DSI permet de rapprocher les équipes opérationnelles de la DSI des équipes du contrôle de gestion, un modèle écologique « ABCO2 » permet de rapprocher les équipes opérationnelles de celles en charge de la RSE de l’entreprise. Les opérationnels de la DSI peuvent ainsi s’approprier concrètement la problématique de la RSE et de l’impact environnemental.

La difficulté de mise en place d’un tel modèle écologique « ABCO2 » de la DSI réside dans l’analyse des ressources en tant que facteurs d’émission. Il faut cependant noter que des travaux spécifiques lancés début 2010 permettent d’envisager une analyse pertinente de ces ressources et que l’amélioration progressive des données disponibles en matière de facteurs d’émission s’inscrit dans la trajectoire globale de gain de maturité du sujet « comptabilité carbone » et RSE en général.

Le positionnement d’une DSI ayant mis en œuvre un modèle économique ABC sur le déploiement d’un modèle écologique « ABCO2 » associé lui donnerait une avance réelle en termes de mesure et de maîtrise de ses impacts environnementaux.

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